Vu presse Thierry Douine : Le CFA Risque de mourir
À l’heure où la réforme des systèmes de retraites ébranle l’avenir du Congé de fin d’activité (CFA), Thierry Douine, président de la fédération Transports de la CFTC, constate que les promesses gouvernementales entretiennent l’incertitude quant à la sauvegarde du dispositif.
Bulletin des transports : La veille de la grande manifestation intersyndicale du 19 janvier, le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, a adressé un courrier à l’adresse des centrales syndicales du TRM. A-t-il rassuré ?
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Thierry Douine : On a tous compris qu’en cas de relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans en 2030, cela aura de facto un impact mécanique sur le CFA. Le ministre a pris les devants pour indiquer que l’État est prêt à accompagner l’évolution du CFA dans les semaines qui viennent, qu’il veut s’engager pour trouver des solutions ; il nous informe qu’un expert sera chargé d’accompagner les partenaires sociaux afin de négocier un protocole d’accord pour la survie du CFA. Nous considérons que ses garanties ne sont pas suffisantes. Il doit être explicite et nous donner des certitudes sur le financement : à quelle hauteur les pouvoirs publics vont-ils continuer à cofinancer aux côtés du Fongecfa et de l’Agecfa ? Le CFA risque de mourir, il y a beaucoup trop d’incertitudes. Politiquement, l’État ne veut pas trop s’engager sur les finances publiques et ne souhaite pas inquiéter la branche route pour éviter un conflit routier pour le moment. 2 Avec la CFDT, la CGC, la FGT-CFTC a cosigné une réponse dans laquelle nous demandons le niveau d’engagement financier de l’État et le montant des restrictions budgétaires prévues. Il est urgent que l’on se mette autour de la table dès que l’expert aura été désigné. Il appartient au gouvernement de s’engager sérieusement dans la négociation et dans le financement.
BTL : Quel est votre sentiment sur la réforme des systèmes de retraites ?
T. D. : À mon sens, si la réforme était adoptée, il serait impératif d’imaginer un nouveau dispositif CFA en septembre 2023. Dans ce débat, la question est aussi de connaître la position réelle des fédérations professionnelles. L’Union TLF, au même titre que l’OTRE, souhaite conserver le CFA. En revanche, la position de la FNTR n’est pas claire. À un moment donné, nous serons tous autour de la table et chacun va « cracher » son venin. Nous verrons si nous sommes capables de conclure un accord majoritaire pour sauvegarder le CFA ou si nous sommes dans un système où le dispositif va s’effondrer. Cela va être du donnant-donnant. Il y a une possibilité de sauver le CFA pour la petite décennie qui vient. C’est quand même le dernier facteur d’attractivité pour les conducteurs du TRM !
BTL : Parallèlement, le dossier pénibilité vous paraît-il enlisé ?
T. D. : Le ministère des Transports s’est engagé sur deux points clés, la pénibilité liée aux conditions de chargement-déchargement chez les chargeurs et les conditions d’accueil des salariés du TRM. Vous vous rappelez, pendant la crise sanitaire, des conditions d’accueil déplorables sur les aires d’autoroute, notamment pour l’accès aux toilettes et aux douches ? Le ministère devrait nous faire des propositions prochainement sur ce point. En revanche, sur les conditions de chargement-déchargement, c’est plus dur dans la mesure où cela engage l’ensemble des logisticiens et des grands chargeurs, lesquels font du lobbying pour nier cette problématique. De surcroît, le ministère veut nous faire croire qu’il est difficile de légiférer sur le sujet. Cela voudrait dire que la France en serait incapable alors que l’Espagne, le Portugal et l’Italie ont réussi à le faire ? Les chargeurs mettent la pression pour que les salariés du secteur effectuent ces opérations. À la FGT-CFTC, nous exhortons le gouvernement à avancer en 2023 mais le dossier est en attente. À nous de montrer les dents. Les chargeurs n’affichent pas clairement leur opposition, l’Union TLF est contre alors que la FNTR et l’OTRE sont pour des avancées réelles. Les conditions de travail dans la branche route sont un point d’attractivité au même titre que les salaires. Les conducteurs sont des « tourneurs de volant » et ne peuvent se consacrer à d’autres missions.
BTL : Quelle est votre feuille de route pour votre mandat à la présidence de la FGT-CFTC ?
T. D. : J’ai été reconduit à la tête de la présidence de la FGT-CFTC lors de notre congrès à Tours en janvier 2022. Le mandat du président court normalement sur une durée de 4 ans mais je ferai valoir des droits à la retraite mi2024, ce qui impliquera l’organisation d’un conseil extraordinaire à ce moment. C’est le secrétaire général de la fédération, Guillaume Cadart, qui est appelé à me remplacer. D’ici 2024, la fédération sera restructurée. Force est de constater que le syndicalisme rencontre aujourd’hui des difficultés pour attirer des jeunes et féminiser les recrutements. Nous travaillons avec une agence de communication pour faire connaître notre ligne syndicale et notre approche dans le TRM. Nous embauchons en interne pour « booster » ce nouveau syndicalisme 2.0. Il nous appartient à la fois de démontrer que le syndicalisme est nécessaire et de le dépoussiérer. La FGT-CFTC représente 14 % des salariés du TRM. Nous pouvons encore recruter des adhérents au sein de grands groupes comme Amazon Logistics et progresser de 2 points en matière de représentativité. Ma priorité est simple : la fédération, créée en 1998, est sur de bons rails et il faut la solidifier pour qu’une nouvelle équipe poursuive la route demain !
Sources : Bulletin des Transports et de la Logistique n°3911
FGT CFTC Transports